L'adoption de la procédure de contestation du statut d'administrateur (ou CSA) avait été tortueuse. Dès 2006, une PDD un peu monstrueuse sur la Limite du mandat d'administrateur incluait une
proposition 3 bis, ainsi conçue :
Après un problème avéré lié à l'utilisation des outils d'administration, noté sur la page de plainte pour admin, un vote de destitution peut être lancé si le demandeur a l'appui d'au moins 3 autres contributeurs.
La proposition est finalement rejetée par 18 voix contre 33. Elle revient subrepticement sur le tapis quatre ans plus tard. Le 19 août, une
Prise de décision sur la contestation du statut est ouverte. Elle débouche dix mois plus tard sur une situation très paradoxale : la contestation est admise en principe, mais toutes les modalités proposées sont finalement rejetées.
Une
seconde prise de décision devient nécessaire. Après moult discussions, vote, discussions sur le vote et vote sur la discussion, le système actuellement en vigueur est adopté : un administrateur doit renouveler son statut si six contributeurs autoconfirmed soulignent, diff à l'appui, qu'il a abusé de ses outils ou perdu la confiance de la communauté. Nulle instance n'est chargé d'évaluer a priori la validité de ces argumentations. Il existe par contre une sorte de validation a posteriori : la communauté encyclopédique n'est pas seulement appelée à juger de l'administrateur mais aussi de la validité des motifs.
Ce processus très graduel n'a pas véritablement permis d'éluder toutes les difficultés. En son état actuel, le CSA porte un certain nombre de dérives. Certains administrateurs se sont ainsi retrouvés contestés pour des motifs que l'on jugerait risible dans le meilleur des cas. En témoignent ainsi certains avis déposés
à l'encontre de Lgd, ou encore les contestations en cascade récemment
ouvertes par Guil207.
A ce stade, on mesure un risque assez sensible : six contributeurs mal lunés peuvent forcer le renouvellement de la plupart des administrateurs de wikipédia. Le « ticket d'entrée » est faible. Il suffit d'avoir produit une cinquantaine de contribution pour déposer son avis ; la validation dépend d'un simple diff qui n'est guère compliqué à fournir (la notion de « perte de confiance » est particulièrement extensible).
Une petite dystopie en guise d'exemple…
Supposons qu'une demi-douzaine d'anti-wikipédiens se met en tête de destabiliser l'encyclopédie, soit par jeu ou par conviction. Pour simplifier les choses, appelons-les Toto1, Toto2, Toto3 etc. Pendant une semaines, ils s'amusent à corriger une cinquantaine de fautes d'orthographes. Puis, ils passent à l'assaut.
Ils commencent par les cas les plus aisés : sur les 194 administrateurs en exercice, il s'en trouve certainement quelques uns qui ont eut un mot de travers au cours des trois derniers mois. C'est suffisant, pour argumenter sans trop de difficulté en faveur d'une perte de confiance. On obtiendrait ainsi :
Puis ils intensifient l'offensive et s'attaquent à quiconque dispose d'un statut. A terme, on prend des mesures extraordinaires sur le bulletin des administrateurs. La petite camarilla est bloquée pour cause de désorganisation de l'encyclopédie. La procédure de CSA est suspendue temporairement, voire définitivement en attente d'une réforme structurelle. Et on commence à évaluer tous les dégâts de l'affaire.
Certes, le renouvellement ne pose pas vraiment de problème : le sort de l'administrateur dépend du jugement de la communauté. Celle-ci ne confortera certainement pas les opinions d'une demi-douzaine de « contestateurs systématiques ». Néanmoins, cela représente une certaine perte de temps, à la fois pour l'administrateur (qui doit s'échiner à se défendre au lieu de se consacrer à des activités plus utiles pour l'encyclopédie) et pour la communauté (tout-le-monde est appelé à voter et argumenter). On pourrait aboutir à la situation suivante, où des administrateurs respectés se retrouvent contraints de se défendre envers et contre tout :
Une procédure en quête d'ajustements
Autant dire que mon exemple dystopique est volontairement excessif. Il y a peu de chance qu'une telle dérive advienne : cela réclamerait six individus disposant de six connexions distinctes (autrement, une simple RCU suffirait pour invalider les contestations). En outre, ces individus doivent disposer d'une connaissance particulièrement fine de Wikipédia : saisir les implications du CSA n'est pas à la portée du premier venu. Néanmoins, les règles actuelles ouvrent une brèches suffisantes pour rendre la dystopie possible.
Un peu plus de cinq mois après l'ouverture du CSA (et une dizaine d'expérimentations, dont près de la moitié ont débouché sur une consultation communautaire), il serait peut-être temps de commencer à réfléchir à un ajustement. Je vois trois directions possibles.
La première, et la plus simple, consisterait à relever le « ticket d'entrée ». On pourrait ainsi se cantonner à ne prendre en compte que les abus d'outils. Or, la communauté a déjà exprimé son rejet de ce type de disposition. La faire revoter jusqu'à parvenir au « bon résultat » ne paraît pas véritablement envisageable.
La seconde présupposerait d'imposer un quota de contestations : un contributeur ne peut pas contester plus de X administrateurs à la suite. Cela permet d'éviter les contestations systématiques. Cependant, on risque de remplacer un problème par un autre. A partir du moment où un contributeur se joint à une ou deux contestations, il ne peut plus réagir à un abus manifeste d'un administrateur à son encontre.
La troisième et dernière aurait ma préférence. Elle impliquerait d'ajouter une question supplémentaire à chaque consultation : « est-ce que les motifs de la contestations vous paraissent valables ? ». Le règlement actuel prescrit en effet que « En cas de litige, la contestation reste ; la validité des motifs sera examinée par l’instance chargée de faire aboutir ou non la contestation [soit] par la communauté au cours du vote de confirmation. » Concrètement, chaque utilisateur est appelé à juger à la fois du maintien du statut de l'administrateur contesté et de la validité des motifs de consultation, soit deux choses éminemment distinctes. Cette adjonction m'a souvent gêné : même lorsque je n'ai pas véritablement confiance en l'administrateur contesté, il n'est pas envisageable d'accepter purement et simplement des motifs douteux ou datés.
En consacrant une question spécifique la validité des motifs, on astreint les contestataires à un minimum de responsabilité. En cas de rejet massif de leurs argumentations, des sanctions pourraient être envisageable. Cela permettrait sans doute de prévenir un usage purement gratuit de la procédure.