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lundi 1 avril 2013

Motivations

On découvre parfois de drôles de choses. Tandis que je préparai — avec beaucoup de retard :-| — la prochaine livraison des Nouvelles du Wikilab, j'ai été contacté par un chercheur albanais. Depuis que le Signpost m'a fait un peu de pub, je reçois régulièrement ce genre de sollicitations internationales.

Il m'informait de l'existence d'une contribution décisive au débat sur les « motivations » des wikipédiens. Il s'agit en effet du pire serpent de mer de toute la brève histoire de la wikilogie. On ne sait toujours pas pourquoi Wikipédia fonctionne. Qu'est-ce qui pousse plusieurs dizaines de milliers de contributeurs à s'investir durablement dans une amène qui ne leur amène aucun bénéfice immédiat ?

De nombreuses pistes ont été envisagées. La plus fréquente est aussi la moins facile à identifier : la passion, le désir de connaître et de faire connaître. On trouve aussi pêle-mêle, l'illustration d'idéaux politiques (partage du savoir, open data…), la satisfaction d'écrire à des milliers de lecteurs, voire la volonté d'améliorer son réseau social…

Një kontribut vendimtar për studimin e motivimet e Wikipedia de Bermema et al. propose une hypothèse plus audacieuse. Il inclut dans le champ des motivations une explication jamais envisagée : l'excitation sexuelle.

Selon le résumé en anglais et le peu que j'ai pu comprendre du texte original en recourant au traducteur google, Skänker Bermema et son équipe s'appuient sur les récents développements de la sexologie. Les chercheurs de cette discipline mettent aujourd'hui l'accent sur les facteurs cognitifs. Il est ainsi tout-à-fait possible de connaître un état orgasmatique sans aucune stimulation physique (ce qui, selon toute vraisemblance, ne saurait advenir dans le cadre d'une contribution à Wikipédia).

Néanmoins, pour arriver à cette conclusion, les auteurs reconnaissent qu'il leur a fallu surmonter pas mal de préjugés. L'un d'entre eux, utilisateur actif sur la Wikipédia en albanais, les a mis sur la bonne voie. Il souligne dans une petite note de bas de page à caractère autobiographique l'étrangeté de son comportement :
Quand je me contentais de faire des modifications mineures, je ne remarquais rien d'anormal. Dès que je me lançais dans des entreprises plus ambitieuses, j'étais en proie à une certaine exaltation. Au cours d'une soirée, j'ai rédigé un article de qualité de A à Z : je me tordais littéralement de plaisir.
L'étude a permis de confirmer le caractère assez ordinaire d'une telle rédaction. Elle portait sur la moitié de la communauté active albanaise, soit 50 personnes. Bermema et son équipe ont mesuré leur activité cognitive au cours de trois séances de deux heures. 24 sujets ont effectivement expérimenté des réactions à caractère sexuel et 6 d'entre eux ont été jusqu'à l'orgasme.

Les chercheurs ont également développé une typologie intéressante. Les 24 sujets sensibles ne réagissent pas à des stimuli identiques. L'activité sexuelle n'est pas forcément solitaire : quelques contributeurs se sont lancés dans des guerres d'édition hautement érotiques. On a aussi observé quelques comportements sadiques et masochistes : des administrateurs prenaient plaisir à bloquer des utilisateurs qui, inversement, ne demandaient que cela.

En conclusion, les auteurs tentent d'analyser cet étrange phénomène. Ils relèvent une possible confusion des mécanismes cérébraux :
De même que l'écriture active certaines aires du cerveau utilisées auparavant pour tout autre chose, il semblerait que la contribution sur Wikipédia actualise des comportements usuellement convoqués dans le cadre d'une activité sexuelle. La structure collaborative de l'encyclopédie explique peut-être ce mélange des genres. 
Ils s'inquiètent également du caractère potentiellement pathologique de ce type de réactions. Certains cas analysés nécessitent apparemment un traitement médical adapté. Le sujet n°42 a ainsi exprimé son désarroi :
Je ne pouvais plus m'en passer [de Wikipédia]. Un soir tandis que je proposais une prise de décision sur la translittération arabe de Tirana, j'ai poussé des hurlements pendant une demi-heure. Mon épouse et mes voisins ont fini par me couper l'accès à Internet.
NB. Tout ce savant compte-rendu ne sert bien entendu qu'à illustrer une vielle tradition populaire

vendredi 22 juin 2012

Où en est Wikidata ?

Ça fait quelque temps que je me dis que je devrais faire un truc sur Wikidata. Je m’étais un peu impliqué dans les questions relatives aux traitements de données encyclopédiques en début d’année. J'avais d'ailleurs commencé à rédiger un billet sur le sujet en mars, sans avoir eu le temps de le terminer. Vu que quasiment toutes les informations qu'il contient ont été médiatisées, je préfère aborder le sujet par un autre biais.

Le projet Wikidata a pas mal progressé depuis son lancement. On trouve sur le site pas mal de précisions intéressantes, qui n’ont pas forcément été relayés en français.

A mon avis, la page la plus intéressante concerne la définition du Data model, soit le mode de présentation des données. Cette définition n’est pas d’ordre technique, mais d’ordre épistémologique et intéresse à mon avis directement les contributeurs de Wikipédia, indépendamment de leurs compétences informatiques. Je ne m’en tiendrai ici qu’à la définition relativement simple présentée dans l’Overview. Il va sans dire que, concrètement, les choses sont beaucoup plus complexes — je m’excuse par avance si je simplifie à outrance les procédés réellement utilisés.

La grammaire wikidatienne repose sur une vision dénotative du langage. En lieu et place des mots, on trouve des items, soit des symboles purement référentiels. On donne ainsi pour exemple la ville de Berlin qui renvoie sans ambiguïté possible à une entité humaine unique, correspondant à un territoire strictement défini. Toutes les mots n’ont malheureusement pas la même portée référentielle. Outre, les homonymes, il y a aussi les termes et concepts flottants, généralement difficiles à traduire d’une langue à l’autre. Créer un item à partir de socialisme ou de culture risque de poser quelques difficultés.

A chaque item correspond une liste de statements. Chaque statement prétend reproduire un état de la réalité, au sens où l’entendait Wittgenstein.
La proposition construit un monde au moyen d'un échafaudage logique, et c'est pourquoi l'on peut voir dans la proposition, quand elle est vraie, ce qu'il en est de tout ce qui est logique. On peut d'une proposition fausse tirer des inférences (Tractatus Logico-Philosophicus, 4.023)
Le Statement se décompose en valeur (value) et en propriété (property). La value exprime « un nombre, une date, des coordonnées géographiques et plein d’autres choses ». Elle donne une indication de mesure qui permet de cerner une proportionnalité (x=n) ou une situation (x se trouve sur n). Chaque valeur est rattachée à une propriété. Cette dernière spécifie une qualité de l’item. Ainsi, sous l’item Berlin, on trouve la propriété population, à laquelle correspond la valeur 3 499 879.

Jusqu’ici les choses sont relativement simples. Les relations entre les trois signes fondamentaux permettent d’emblée d’exprimer certains énoncés relativement simples. Avec item=Berlin, property=population et value=3 499 879, on peut générer une phrase comme « Berlin compte 3 499 879 habitants ».

Là où ça se complique un peu, c’est que nos trois signes se combinent pour former de nouveaux signes. Le lien entre propriétés et valeur s’exprime au travers d’un datatype. A côté de la propriété population, on trouverait ainsi un datatype=people. Le datatype assure ainsi une fonction d’appariement : il permet d’éviter de mêler indistinctement la population de Berlin avec les coordonnées géographiques de Paris.

En outre, les propriétés ne comportent pas obligatoirement de valeurs. Le cas échéant, elles constituent des snaks, soient de simples qualifications qui améliorent la précisions des énoncés. A partir du snak commune ou cité, on génère ainsi des phrases comme : « la ville de Berlin compte 3 499 879 habitants ». On évite ainsi les confusions entre ville et agglomération urbaine.

Arbre des Snaks sur Wikidata (CC/BY/SA : http://meta.wikimedia.org/wiki/Wikidata/Data_model#Snak)
Ces données n’échappent bien entendu aux principales règles encyclopédiques. Suivant en cela les prescriptions de la Neutralité de point-de-vue, elles seront référencées à partir d’un champ intitulé ReferenceRecord.

Ces combinaisons syntaxiques permettent de produire des énoncés considérablement plus complexe. Rien ne s’oppose ainsi à ce que la phrase suivante, présente dans le résumé introductif de l’article Paris, ne soit généré par Wikidata :

Ici, Paris figure l’item. Le recensement de l’Insee et la note de bas-de-page qui l’accompagne sont du ressort du ReferenceRecord. La date (1er janvier 2009) et la population (2,2 millions d’habitants) résultent d’autant de combinaisons propriété-valeur. Enfin, la précision « commune de » constitue un snak.

Comme toute logique formelle, cette grammaire wikidatienne est universellement traduisible. Pour reprendre à nouveau Wittgenstein :
La traduction d'une langue dans une autre ne se produit pas par la traduction d'une proposition de l'une dans une proposition de l'autre ; seuls sont traduits les constituants de la proposition (Tractatus Logico-Philosophicus, 4.025)
Le transfert peut ainsi fonctionner dans les deux sens : traduction vers, et traduction à partir de. Concrètement, la phrase citée plus haut de l’article Paris est aspirée par la base de donnée. Chacun de ces composants reçoit une affectation sur Wikidata. Ce transfert devrait se passer sans encombre pour les énoncés déjà intégré dans un modèle — il va sans dire que tout ce qui se trouve dans un modèle débarque ipso facto dans ReferenceRecord. Par contre, la transcription des énoncés nus devraient peut-être poser un peu plus de souci (dans « la commune de Paris », il n’est pas forcément évident de repérer l’item et le snak).

La traduction à partir de pose sans doute moins de soucis. Il s’agit de transporter les statements stockés par Wikidata dans une langue naturelle, en recourant aux tournures usuelles employées, par exemple, pour énoncer la population d’une ville. On mesure tout de suite l’importance de ce type de génération textuelle pour les petits wikis, qui ne disposent pas d’une communauté suffisamment importante pour recueillir manuellement certaines informations essentielles. Dans une hypothétique Wikipédia syldave on pourrait ainsi retrouver :

Sous réserve de réaliser toutes ses promesses, Wikidata peut avoir une certaine incidence sur la dissémination du savoir en France. Le développement des wikipédias en langues régionales ou dans les langues d’outre-mer (Wikimédia France s’était dernièrement beaucoup investit dessus) ne pourra qu’en être facilité.


lundi 11 juin 2012

La wikipédia italienne de nouveau menacée ?

Le 4 octobre 2011, la wikipédia italienne cessait de fonctionner pour près de 48 heures. Quiconque souhaitait consulter l’un des 700 000 articles de l’encyclopédie, était automatiquement redirigé vers un communiqué alarmiste signé des « utenti de wikipedia ».

Huit mois plus tard, la situation pourrait bien se répéter. Depuis hier au soir, toutes les pages de la wikipédia italophones sont bardées d’un sitenotice ainsi conçu :


La cause de ce second appel à l’aide est familière. Il s’agit une fois de plus du projet de loi DDL et de son corollaire tristement célèbre, le comma 29. Le projet, qualifié aussi de « loi des écoutes » vise d'une manière générale à renforcer les sanctions contre la presse, dans l'objectif plus ou moins avoué, de bâillonner le « quatrième pouvoir » — son rôle actif dans la divulgation de divers scandales politico-judiciaires commence à embarrasser les élites italiennes. Procédant à plusieurs adjonctions à l'article n°8 de la loi du 8 février 1948, le comma (ou alinéa) 29 s'attaque plus spécifiquement aux sites internet.

Comme je le soulignais dans une analyse approfondie, le strict respect des prescriptions du comma a des conséquences lourdes. Tout texte jugé diffamatoire par un particulier doit être aussitôt remplacé par un rectificatif, rédigé par celui-ci ou un de ses représentants. Le non-respect de ces dispositions entraîne le versement d'une lourde amende (jusqu'à 12 000 euros). A l'instar du SOPA américain, la justice n'est pas du tout impliquée dans ce processus. Le particulier est seul juge du caractère diffamatoire du texte visé. Sa seule appréciation détermine son retrait.

Déjà plusieurs fois retardé depuis 2009, l'examen de la DDL a été de nouveau suspendu en octobre dernier. Le blackout de la wikipédia italienne et les réactions qui s'en sont suivies ont sans doute pesé dans l'affaire. D'autres facteurs sont sans doute également entré en ligne de mire : la perte graduelle d'influence de Silvio Berlusconi qui finira par démissionner le mois suivant, l'importance graduelle de la crise de la dette… Tout incitait à reporter une loi devenue secondaire, en sus d'être impopulaire, dans un contexte aussi grave.

Si, aujourd'hui, le technocrate Mario Monti remplace Berlusconi, l'Assemblée n'a pas bougé. Il s'agit toujours de la XVIe législature. Celle issue des élections générales de 2008. Celle qui a proposé une première mouture de la DDL en 2009. Celle qui compte bien la faire aboutir…

De fait, si ce n'est la date, rien n'a changé. Le projet qui sera présenté aux députés à partir du 19 juin n'a apparemment pas beaucoup évolué depuis octobre.

A la même cause répondent les mêmes effets. Passablement inquiets, les wikipédiens italophones ont rapidement réagi. Dès le 31 mai, le bistro local (ou « bar ») commence à brainstormer sur le sujet. Plusieurs informations (et interprétations) contradictoires surgissent. Zerosei rapporte ainsi qu'une institution publique influente, l'AGCOM, dénonce plusieurs dispositions de la DDL :
L'AGCOM refuse catégoriquement le masquage des sites, même lorsqu'il y a une violation du copyright. 
Un consensus se dégage rapidement. Il est évidemment hors de question de procéder à un blackout, tant que l'on ne dispose pas de plus de précisions sur l'avancée des travaux parlementaires. Par contre, un sitenotice permet de marquer le coup et de prendre rapidement position. En témoigne, l'échange suivant :
Phyrexian — Je suis également favorable à une bannière dès maintenant. On pourra envisager des mesures plus lourdes si la situation ne s'arrange pas. La bannière permet de mettre l'accent sur le fait que nous sommes à nouveau contraints de procéder comme en octobre. Par contre, nos sources se limitent pour l'instant à un seul article de journal ? Rien d'officiel à ce propos. Nous ne pouvons quand même pas mettre une bannière comme cela, au hasard.
Codicorumus — Je suis favorable à une bannière maintenant, suivie peut-être d'autres initiatives. Pour les sources, voir la section documentation.
Patafisik — OK, à ce stade je suis pour la bannière. 
Plusieurs propositions de sitenotice s'ensuivent. Elles sont destinés à informer wikipédiens et lecteurs du danger qui menace. Et, par la même occasion, à réaffirmer le caractère inconditionnel des principes fondateurs :
Si cette loi est approuvée, nous serions obligés de modifier le contenu de plusieurs articles, indépendamment du respect du principe de vérifiabilité et sans qu’il soit possible de le modifier ultérieurement. De telles exigences constituent une limitation inacceptable de l’autonomie de Wikipédia. Elles dénaturent les principes fondateurs de notre encyclopédie (Traduction libre du sitenotice finalement retenu).

samedi 31 mars 2012

Pourquoi faire compliqué ?

Si vous suivez régulièrement le bistro ou le bulletin des administrateurs vous avez sans doute déjà vu passer l'affaire : un débat est en cours sur l'opportunité d'introduire de nouvelles abréviations pour certains espaces méta-encyclopédiques. A côté de WP: pour Wikipedia:, on pourrait ainsi avoir P: pour projet.

Contrairement à ce que paraît annoncer le titre de ce billet, je ne suis pas opposé à cette innovation. J'utilise très fréquemment les abréviations et économiser du temps lorsqu'il m'arrive d'ouvrir toute une série de portails, n'est pas tout-à-fait négligeable. Par contre, je conscient de l'importante dérive jargonnante que cela pourrait générer. On critique fréquemment l'encyclopédie pour sa complexité et, par-là-même, les wikipédiens pour leurs échanges assez sybillins.

Les abréviations présentent en effet pour spécificité d'être incompréhensibles en dehors d'un contexte préalable. Pour un aviateurs, BA signifie base aérienne, pour un chimiste, c'est du baryum, pour un étudiant anglo-saxon, c'est un bachelor of arts. Sur wikipédia-même, des ambiguïtés restent possibles. BA renvoie tantôt au Bulletin des Administrateurs, tantôt au Bon Article — les deux concepts restent toutefois suffisamment distincts pour être compris. Il y a un cas beaucoup plus problématique, c'est celui de la pdd : page de discussion ou prise de décision, sachant que chaque prise de décision possède sa page de discussion (la pdd de la pdd…). Par conséquent, il y a une corrélation entre la simplicité du terme et sa polysémie.

En outre, une abréviation n'est pas véritablement faite pour être lue, mais pour être vue. Lorsqu'on discerne WP:RA, on ne pense pas prioritairement au son VéPéèreA, mais au dessin des lettres, à leur assemblage typographique. L'abréviation renforce la connotation idéographique de l'écrit ; elle s'apparente quasiment à un idéogramme — c'est, au sens propre, du chinois… Le lecteur ne dispose d'aucun appui phonologique pour identifier le sens du mot : WP:RA ne veut a priori rien dire et rien signifier. Ce n'est que par la maîtrise des codes institutionnels qu'il parvient à opérer le déchiffrement (il connaît l'existence des Requêtes aux administrateurs, il a compris que les autres utilisateurs y font référence en ce terme).

J'hésite donc à soutenir cette source de complication supplémentaire (sans doute pas pour la communauté hardcore, mais, indubitablement, pour la communauté périphérique et le simple lecteur). Wikipédia est déjà assez compliquée comme ça. Ou pas…

Il y a quelques jours, je me suis aventuré à jeter un coup d'œil à Citizendium, l'ex-futur aspirant concurrent de Wikipédia — une section du bistro m'y incitait un peu. Au sein du forum communautaire, on trouve un fil sur l'engagement de l'infrastructure encyclopédique contre le SOPA (quelque chose d'éminemment familier aux wikipédiens). Et au sein de ce fil, on trouve le post suivant :


En français cela donnerait (et j'insiste sur le conditionnel car il ne s'agit pas d'une traduction facile) :

Le ME a le droit d'émettre des décisions temporaires, de telle sorte que le changement de la bannière était légale, à moins qu'il ne viole quelque disposition préexistante (certains m'ont souligné en privé qu'il serait incompatible avec l'article n°23). Si l'EC pense que la bannière viole l'article n°23, il peut déléguer sa décision au MC, qui la traitera comme une question d'attitude générale. Si l'EC décide que cela ne viole pas la charte, mais qu'il ne souhaite pas que des changements de cette nature adviennent dans le futur, il peut remettre en cause la décision temporaire du ME en émettant une règle formelle.

Je n'ai pas pris la peine de déchiffrer ce jargon élaboré — apparemment le ME sert un peu de big boss, et le MC et l'EC sont des institutions collégiales. On me dira qu'on peut rencontrer assez facilement ce genre de développement byzantin sur Wikipédia — dans n'importe quelle PDD un peu pointue en fait. Ce qui est assez surprenant, c'est que la communauté de citizendium fédère en tout et pour tout une cinquantaine de participants actifs — à comparer aux cinq mille contributeurs actifs de la seule Wikipédia francophone.

En somme, si la complexité des régulations est étroitement corrélée avec la taille de la communauté, je me dis que Wikipédia ne s'en sort, relativement, pas si mal que ça.

mardi 4 octobre 2011

Wikipedia.it sur le point de disparaître ?

Depuis hier soir, la Wikipédia italienne ne répond plus. Toutes les consultations pointent sur la même page : un Manifeste alarmant rédigé consensuellement par l'ensemble des contributeurs italiens qui a été consulté plus de 8 millions de fois (les francophones peuvent lire ici ma version française, introduite depuis sur Wikipedia.it) La situation est sérieuse :
La Wikipédia en langue italienne risque de ne plus être capable de maintenir le service qui, au fil des années, s'est avéré si utile pour vous, et dont vous vous attendiez à disposer encore maintenant. Pour l'heure, l'article que vous cherchez existe toujours, mais le risque existe qu'il disparaisse prochainement
Que se passe-t-il exactement ? Wikipedia.it ne manque pas de visiteurs ni de contributeurs. Comme le résume clairement une FAQ et une fine analyse de Jean-Marie le Ray, le problème est ailleurs : au parlement italien. Un projet de loi sur les écoutes téléphoniques qui traînait depuis bientôt deux ans est sur le point d'être adopté. Ses dispositions, qui peuvent encore être amendée sous 48 heures, limitent dans l'ensemble les droits des journalistes, mais également des internautes. En effet, l'article 29 (popularisé localement sous le nom de Comma 29) stipule que
Pour les sites informatiques, y compris les journaux quotidiens et les magazines diffusés par des moyens électroniques, les déclarations et les rectifications doivent être publiées dans les quarante-huit heures suivant le dépôt d'une requête, avec les mêmes caractères graphiques, la même méthodologie d’accès au site et la même visibilité que pour la publication à laquelle elles se réfèrent
Concrètement, chaque fois qu'un individu s'estime diffamé par une publication en ligne (un billet de blog ou… un article de wikipédia), il lui suffit de déposer une requête au tribunal pour que la publication en question soit automatiquement modifiée dans le sens souhaité par l'individu en question ou supprimée. Si la modification ou la suppression n'intervient pas dans cette plage de temps assez réduite, le site sera sanctionné.

Une entreprise collaborative comme Wikipédia.it est clairement menacée par une telle procédure. D'une part, cela contrevient à la neutralité de point-de-vue (toutes les informations mises en causes ne sont pas forcément des diffamations). D'autre part, les bénévoles sont démunis face à un arsenal juridique aussi lourd. Des dizaines de milliers d'articles portent sur des personnes vivantes. Si plusieurs centaines d'entre elles décidaient de porter plainte, la communauté serait proprement submergée. D'autant que, comme le souligne le blogger italien Guido Scorsa, chaque requête non exécutée dans les 48 heures entraîne ipso facto le paiement d'une amende de 12 000 euros.

Faute d'une adéquation avec la nature décentralisée d'Internet, la loi peut rester lettre morte. Abordant le cas de Wikipédia.it, un article de la Repubblica met en évidence l'embarras futur des tribunaux qui auront à traiter ces requêtes en diffamation :
Qui seront les responsables qui devront répondre aux demandes de rectifications sous 48 heures, étant donné que les utilisateurs sont anonymes et volontaires ? Comment publier concrètement ces rectifications ? Et qui devra payer les éventuelles amendes ? Les utilisateurs, les administrateurs (qui sont également des utilisateurs volontaires) ou la Wikimedia Foundation (mère de tous les projets et propriétaire des serveurs, qui siège en Californie.
En l'occurrence la Wikimedia Foundation a fait part de son soutien à l'initiative des italophones. La directrice générale du Conseil d'administration de la Fondation, Sue Gardner a clairement conforté cette initiative :
Il semble clair que la loi proposée nuirait à la liberté d'expression en Italie et que, par conséquent, les wikipédiens italiens ont entièrement raison de s'y opposer. la Fondation Wikimédia soutiendra leur position.
Dans une même optique, l'avocat Mike Godwin (notamment connu pour avoir formulé la fameuse loi de Godwin) estime que ce blackout total constitue une réponse adaptée aux législations répressives :
Ayant eu affaire à diverses espèces de censures gouvernementales pendant plus de 20 ans, j'en viens à penser que des actions plus spectaculaires ont plus de chances d'inciter un gouvernement à changer ses orientations.
Cette action plus spectaculaire a eu au moins deux effets immédiats. D'abord elle intensifie la prise de conscience de la société civile (le hashtag #wikipedia est devenu le 3e plus employé sur le twitter italien, devant #Moody…). Puis, surtout, elle internationalise une question qui demeurait jusqu'alors italo-italienne. On trouve maintenant des références au Comma29 sur la presse anglaise, allemande, suisse et, depuis peu, française. Les autres communautés wikipédiennes n'ont pas non plus tardé à réagir. Sur Wikipédia.de, une Solidaritätserklärung mit dem italienischen Wikipedia-Streik (littéralement Déclaration de solidarité avec la grève de la Wikipédia italienne) a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures d'utilisateurs. De son côté, Wikimedia France se déclare solidaire de l’action de la communauté italienne. Plus anecdotiquement, mon blog reçoit depuis hier soir un important afflux de visiteurs chinois : l'affaire du comma 29 ne manque pas de rappeler, sur un mode mineur, le contrôle étroit qu'exerce la RPC sur l'Internet chinois. L'enjeu n'est plus seulement local, mais universel. Dans les commentaires de ce présent billet, Ludo met en évidence que de telles dispositions législatives affecteraient non seulement les articles publiés en italiens, mais aussi dans n'importe quelle langue :
La loi est italienne, en.wikipedia écrit aussi beaucoup de contenu sur des personnes italiennes qui pourraient porter réclamation […] les plus gros dégats seraient clairement sur it.wikipedia, mais pas que.
Même si cette internationalisation la rend quasi-inapplicable, le comma 29 risque de provoquer des dégâts considérables, peut-être irréparables. Guido Scorsa craint en effet l'avènement d'une censure induite où, par crainte de faire face à une requête juridique, les internautes modifieraient par avance la teneur de leurs publications :
Les bloggers seront — sauf exception — incités à rectifier « par peur » (…) Imposer une obligation de rectification à l'ensemble des productions non-professionnelles de l'information revient à fournir aux ennemis de la liberté d'expression une extraordinaire arme de pression — sinon de menace — pour réduire au silence les voix dissidentes.
D'où cet appel wikipédien lancé avec l'énergie du désespoir :
Nous souhaitons que Wikipédia reste libre et ouvert à tous, parce que nos articles sont aussi vos articles — nous sommes toujours resté neutre, pourquoi veut-on nous neutraliser ?

lundi 3 octobre 2011

Launching a French poll on the Image Filter

My latest post on the Image Filter has met a significant reception on Wikipedia.de. It is currently doing the headlines of the Kurier (a kind of german counterpart to the french Wikimag), along with the post of Achim Raschka, Iberty and Sue Gardner.


This flattering mention has attracted a consistent germanic frequentation on what used to be a franco-centric blog. Such a reception is a telltale sign of a germanophone eager to know the positions of other wikipedias and wikimedian projects on this touchy matter. For instance, Anneke Wolf confided that :

Ich denke, es bleibt abzuwarten, ob dies eine "deutsche" Frage bleiben wird / I believe that it remains uncertain whether this german matter will stay german.

Consequently, I decided to act and, preferentially, to act quickly. There are two kind of polls on the French Wikipedia. Both have their good points and specificities. The Prise de décision (literally Decision-Making) has immediate effects on the encyclopedic structure and organization : whatever is decided is immediately implemented. Yet, launching a Prise de décision is not an easy task. You have to accept to undertake a very long road. Sometimes, when issues are really touchy (like the Contestation of Admins' status), the process can take a whole year. The Sondage (literally Poll survey) can be set up very quickly by anyone, on any purpose. It does not entail any effective appliance of the proposal. It gives nevertheless a clear picture of the francophone community's opinion — exactly the kind of information I wanted to highlight.

A few hours ago, I accordingly launched a sondage on the following issue : do you want the Image Filter to be implemented of Wikipedia.fr ?


It's way too soon to give any definitive comments about it (the poll is to end in one week). Yet, the issue seems to be of interest : more than 35 wikipedians already expressed their opinions. There is currently a clear opposition to the Image Filter (about 70%). However the support is unnegligible, clearly stronger than on the german poll (about 25% vs. only 14 %).

Significantly, the debate mainly bares on the effectivity of the Image Filter. The opponents finds it to be a usine à gaz (untranslatable expression which can be rendered by a Kafkaesque mechanism) :

A technical solution cannot solve a societal problem (Popo le chien) / Usine à gaz, does not respond to any problem (…) brings a good deal of worrying more than solving (Lena) / If the German had the vulva, we had many articles concerning the IIId Reich, which brought the same kind of questioning (…) We are on a generalist encyclopedia, there is no way to protect some kind of readership rather than another (Sammyday).

On the other side, the proponents have two main statements. The first one shrinks the effective range of the Image Filter : it's only a gadget.

It's a common gadget. Would someone have the idea to suppress the gadget which alter the alphabetical order of the interwikis (one more attempt of the american imperialists that want to appear first) (Moyg) / The problem is not technical, as we offer a technology one can switch off (Xfigpower)

The second one questions the very use of poll to set up the matter : editors are invited to express their opinions, but what about readers ? Are they not the main benefactors of the Image Filter ? Why should their choices be overlooked by editors ?

Drifting from this initial observation, a debate on the French Village Pump came to flush merely philosophical questions : do we write an encyclopedia to be read or to give an honest (and amoral) account of reality ? I think I will end this post on such a deep alternative — so that my international audience will leave their reading with some food for their thoughts…

vendredi 30 septembre 2011

Out of the blue…

The debates on the francophone wikpedian community tend to be a bit autarcic. For the past two weeks a lot of energy was spent on heating arguments about the local arbitration committee elections. Because of this particuliar agenda the trans-wikipedian issue on the Image Filter was largely overlooked. It's only thanks to a brief remark of Anthere and a recent post of Darkoneko that I get acquainted with its later ramifications.

An idiomatic French expression well renders what I felt when I discovered the Image Filter Referendum : comme un cheveu sur la soupe. It means litterally like a hair in the soup, the nearer english equivalent being out of the blue. So far, I have hardly seen much complains about the use of so-called controversial material. There has been in march an attempt of controversy concerning the inclusion of a work by Pierre Louÿs with some pedophile innuendos (in fact more than innuendos) in Wikisource. But, it has been quickly dismissed — the case for inclusion being clearly supported by most contributors.

All in all, I did not really see the need to put up a referendum about such a tiny issue.

I began voting, and the more I read the questions, the less I understood the purpose of this poll. As I pointed it out in a sooner French post, it was not a real referendum, merely a consultation. The decision was taken a priori. The wikipedian communities' advice concerned solely the concrete realisation of the Image Filter, not his preconditional acceptation.

After the publications of the tied-up results (a shy 5.8 out of 10 finding the Image filter to be an important matter). I quickly withdraw the whole business — my thoughts were elsewhere. It came back unexpectedly, comme un cheveu sur la soupe a few days ago. Last Wednesday, a section on the French Village Pump mentioned a strange conservative-bias post by The Examiner (according to the acute remark of one of my commentators, its author appears to be a kind of anglo-saxon Alithia). This mention was received with a great deal of mockery : « I'm so glad to annoy the American Puritan Right with my little contributions » (bzh) / « What a fun » (Joe la truite). Gradually, the discussion drifted on the Image Filter thing. A very well-esteemed editor, Alchemica, threatened : « If this function is applied, it will end my association with the project ».

What could account for the distinctive francophone wikipédia approach (or rather non-approach) on this matter ? It is not so easy to answer. We may of course adress the general feeling that francophone cultures are more permissive on sexual matters. It is not a mere cliché. It has some objective ground. For instance there have never been any « moral code » on French cinema. French counterparts of Fuck, Ass, and Shit flourished as soon as the thirties. Thanks to the decentralized structure of francophone cinematographic production a « Textual filter » similar to Hays Code, never occurred. Nowadays the French equivalent of MPAA stands much more laxist : nudity in picture is not a problem per se as long as it is not sexualized. By this standard a significant part of -12 American films are U-graded in France. For the little I know, the same phenomena seems to apply to Québec and the Suisse romande.

Besides, the political debates over the Internet in France focuses much more on economical than moral issues. There is some legislation about pornographic content, but nothing that can be compared to the aborted Zugangserschwerungsgesetz. On the other hand, the Hadopi laws and organisation creates an unprecedented control on artistic diffusion. The recent WikiLovesMonument operation sheds a new light on the offensive French copyright policy : there is no Freedom of panorama. Therefore, every photo that features the work of an alived or dead-less-than-70-years-ago architect has to be supressed or subsequently modified. Consequently, the president of Wikimedia France, Remi Mathis, launched lately in Le Monde a vibrant call in favor of the establishment of a Freedom of panorama.

In brief, I would sum up my position in one bullet phrase : the Image Filter controverse is very, very, VERY secondary. We are losing our time whenever real important things might go off our trail : the liberalisation/reinforcement of the copyright laws, the popularisation of encyclopedical writing, the emergence of Wikipedia in emergent countries… It sounds truly out of the blue.

lundi 19 septembre 2011

Les Wikipédias sans Comité d'arbitrage : le cas italien.

Les élections pour le renouvellement du Comité d’arbitrage commencent demain (en fait ce soir-même à minuit). Au cours de ces deux dernières semaines, elles ont inspiré de nombreux débats théoriques sur le futur de cette institution. Certains souhaitent une réforme en profondeur, d’autres de simples aménagements empiriques à la réforme de 2010. Quelques uns vont jusqu’à prôner sa disparition. J’ai déjà donné mon opinion là-dessus sur ma page de candidature. Je n’ai rien à rajouter.

Je souhaiterais toutefois livrer ma petite analyse sur une interrogation qui a commencé à émerger sur le bistro d’hier et paraît beaucoup peser dans le débat : quid des Wikipédias sans Comité d’arbitrage ? Celui de la Wikipedia hispanophone (ou Wikipédia.es) a disparu en 2009. La Wikipedia italianophone n’en a apparemment jamais eu. Ces deux wikipédias parviennent-elles à gérer efficacement leurs conflits ? Ont-elles mis en place des organismes de substitution ? Si oui de quelle sorte ? Toute sorte de questions

Pour des raisons d’affinités et de connaissances personnelles, je me suis uniquement penché sur le cas de Wikipédia.it. Si j’ai le temps je ferais peut-être un second billet sur Wikipedia.es…

Mentionnons d’office la principale divergence entre Wikipedia.it et Wikipedia.fr : le mandat d’amministratore n’est pas éternel. Depuis janvier 2010, nos collègues transalpins ont adopté le principe de Riconferma annuale : chaque année les administrateurs en place doivent automatiquement renouveler leur statut. Quelque part, cette procédure rapproche les amministratori des arbitres : le mandat est limité dans le temps, le mandaté doit rendre des compte et dresser un bilan effectif de ses actions. Il semblerait que les italianophones ont adopté une position exactement inverse à l'actuelle Prise de décision sur le cumul des mandats d'arbitre et d'administrateur : au lieu d'être clairement distinguées, les deux fonctions tendent à fusionner en une seule.


Ceci noté, examinons un peu la page consacrée à la résolution de conflit (ou Risoluzione dei conflitti). Elle formalise un processus en trois étapes. Tout d’abord, l’utilisateur est invité à contacter le compte avec lequel il est en conflit sur sa page de discussion (jusqu’ici rien de très normal). Ensuite, si la discussion dégénère, on peut faire appel à un médiateur, soit à un utilisateur neutre, de préférence administrateur (un fonctionnement assez semblable au Salon de médiation à ceci près que l’on insiste préférentiellement sur le cumul administrateur-médiateur). Enfin, si la médiation échoue, il est possible de lancer une richiesta di pareri (ou demande d’avis). En dépit de la similarité lexicale, les richieste ne correspondent pas aux Requêtes aux administrateurs. Tous les contributeurs réguliers sont en effet invités à donner leur avis — à charge pour un administrateur d’appliquer la décision consensuelle.

Or, comme sur wikipédia.fr, les décisions ne sont pas toujours consensuelles. Face à cela, les italiens ont mis au point des jokers : les ultimi soluzioni. Concrètement, les conflits théoriques peuvent donner lieu à un sondaggi — un équivalent de nos PDDs. Les conflits de personnes peuvent être soumis à la page Utenti problematici (utilisateurs problématiques) ou, si un administrateur est en cause, à la page Ammistratori problematici.

Ces solutions de la dernière chance fonctionnent-elles ? Pas très bien en dehors des utenti problematici. Par contraste avec nos PDDs, les sondaggi sont finalement assez peu utilisés (un seul déposé depuis le début de l’année). Dans une même optique, les contestations du statut d’administrateurs sont devenues rarissimes depuis la fin de l’année dernière. Comme le souligne une IP sur une page de discussion : « Lorsqu’on est élu administrateur, on ne reçoit pas une médaille mais un gilet pare-balle (ou, plus exactement, anti-blocage) ».


Il faut reconnaître que le principe d’une reconfirmation du statut tend à décourager les contestations : mieux vaut attendre quelques mois plutôt que de se risquer à entreprendre une procédure assez lourde qui conclut quasi-systématiquement sur la confirmation du statut.


Notons également, à titre historique, l’existence d’une Votazioni sulla messa al bando (littéralement un Vote sur la mise au ban). Cette procédure impliquait de faire voter le destin d’un contributeur problématique. Elle demeure inusité depuis 2009.

En fin de compte, une fois qu’on laisse de côté les procédures désuettes, la Risoluzione dei confitti paraît singulièrement squelettique. Aucune instance autonome ne permet de gérer les conflits entre administrateurs ou entre administrateurs et péons. Le consensus est constamment réclamé, sans que rien ne permette de combler son absence. Comment ce système parvient-il à fonctionner, alors que les RAs s’avèrent généralement incapables de résoudre un conflit durable ?

Ce fonctionnement miraculeux ne tient pas tant à une hypothétique bonne volonté des contributeurs italiens qu’à la structure de la vie communautaire sur Wikpedia.it. Il y a deux fois moins d’amministratore que d’administrateurs (globalement 100 vs. 200). Le rapport d'utilisateurs actifs entre dans les mêmes proportions (2900 vs. 5100). Pour ce que j’ai pu en voir, les discussions théoriques sur l’organisation de l’encyclopédie restent assez limités. Les indications temporelles de l’agrégateur Pianeta Wikimedia sont évocatrices : au cours des deux derniers mois, neuf billets seulement ont été relayés. Le bistro local ou Bar possède une activité très restreinte, uniquement cantonné à de sujets de fond (on est assez loin de notre no man’s land biscornu pour habitués…)

Dans l’ensemble, les interfaces communautaires sont singulièrement réduites. En dehors d’IRC, il n’y a pas vraiment de lieu pour échanger ou méta-communiquer sur ce qui se passe. Cela réduit fortement les probabilités d’un conflit de personne.

Tout ça pour dire quoi ? Que Wikipedia.it diffère structurellement de Wikipedia.fr. Les besoins préludant à l’organisation ne sont pas du tout les mêmes, que l’on en juge quantitativement ou qualitativement. Là où fr est pénalisé par de profondes divisions internes, it souffre d’un certain manque de dynamisme (le nombre de contributeurs actifs stagne complètement depuis 2008). Cette caractérisation n’a peut-être rien de surprenant. Dans la mesure où Wikipédia.fr fait face à un important afflux de contributeurs actifs depuis un an (+300), elle se livre assez naturellement à une importante introspection sur sa manière de faire.