Il m'informait de l'existence d'une contribution décisive au débat sur les « motivations » des wikipédiens. Il s'agit en effet du pire serpent de mer de toute la brève histoire de la wikilogie. On ne sait toujours pas pourquoi Wikipédia fonctionne. Qu'est-ce qui pousse plusieurs dizaines de milliers de contributeurs à s'investir durablement dans une amène qui ne leur amène aucun bénéfice immédiat ?
De nombreuses pistes ont été envisagées. La plus fréquente est aussi la moins facile à identifier : la passion, le désir de connaître et de faire connaître. On trouve aussi pêle-mêle, l'illustration d'idéaux politiques (partage du savoir, open data…), la satisfaction d'écrire à des milliers de lecteurs, voire la volonté d'améliorer son réseau social…
Një kontribut vendimtar për studimin e motivimet e Wikipedia de Bermema et al. propose une hypothèse plus audacieuse. Il inclut dans le champ des motivations une explication jamais envisagée : l'excitation sexuelle.
Selon le résumé en anglais et le peu que j'ai pu comprendre du texte original en recourant au traducteur google, Skänker Bermema et son équipe s'appuient sur les récents développements de la sexologie. Les chercheurs de cette discipline mettent aujourd'hui l'accent sur les facteurs cognitifs. Il est ainsi tout-à-fait possible de connaître un état orgasmatique sans aucune stimulation physique (ce qui, selon toute vraisemblance, ne saurait advenir dans le cadre d'une contribution à Wikipédia).
Néanmoins, pour arriver à cette conclusion, les auteurs reconnaissent qu'il leur a fallu surmonter pas mal de préjugés. L'un d'entre eux, utilisateur actif sur la Wikipédia en albanais, les a mis sur la bonne voie. Il souligne dans une petite note de bas de page à caractère autobiographique l'étrangeté de son comportement :
Quand je me contentais de faire des modifications mineures, je ne remarquais rien d'anormal. Dès que je me lançais dans des entreprises plus ambitieuses, j'étais en proie à une certaine exaltation. Au cours d'une soirée, j'ai rédigé un article de qualité de A à Z : je me tordais littéralement de plaisir.L'étude a permis de confirmer le caractère assez ordinaire d'une telle rédaction. Elle portait sur la moitié de la communauté active albanaise, soit 50 personnes. Bermema et son équipe ont mesuré leur activité cognitive au cours de trois séances de deux heures. 24 sujets ont effectivement expérimenté des réactions à caractère sexuel et 6 d'entre eux ont été jusqu'à l'orgasme.
Les chercheurs ont également développé une typologie intéressante. Les 24 sujets sensibles ne réagissent pas à des stimuli identiques. L'activité sexuelle n'est pas forcément solitaire : quelques contributeurs se sont lancés dans des guerres d'édition hautement érotiques. On a aussi observé quelques comportements sadiques et masochistes : des administrateurs prenaient plaisir à bloquer des utilisateurs qui, inversement, ne demandaient que cela.
En conclusion, les auteurs tentent d'analyser cet étrange phénomène. Ils relèvent une possible confusion des mécanismes cérébraux :
De même que l'écriture active certaines aires du cerveau utilisées auparavant pour tout autre chose, il semblerait que la contribution sur Wikipédia actualise des comportements usuellement convoqués dans le cadre d'une activité sexuelle. La structure collaborative de l'encyclopédie explique peut-être ce mélange des genres.Ils s'inquiètent également du caractère potentiellement pathologique de ce type de réactions. Certains cas analysés nécessitent apparemment un traitement médical adapté. Le sujet n°42 a ainsi exprimé son désarroi :
Je ne pouvais plus m'en passer [de Wikipédia]. Un soir tandis que je proposais une prise de décision sur la translittération arabe de Tirana, j'ai poussé des hurlements pendant une demi-heure. Mon épouse et mes voisins ont fini par me couper l'accès à Internet.NB. Tout ce savant compte-rendu ne sert bien entendu qu'à illustrer une vielle tradition populaire…
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