Il avait Elikia dans le viseur. Elikia débattant péniblement avec un locuteur invisible. Se tortillant par intermittence. Incarnant burlesquement la conviction qui manquait à son discours. Contrairement à l'effet recherché, le champ de silence dévoilait sa situation : c'était un homme aux abois. Il frétillait comme un gardon pour se dépêtrer d'un filet de conneries qu'il avait lui-même tissé.
Au bon d'un certain temps, son attention quitta Elikia. Il avait remué ses traits dans tous les sens. Il ne pourrait rien en attendre de plus. Il s'affala sur la poussière, releva la tête et s'ouvrit aux bruits du dehors. Un type martelait des percussions avec une maestria indéniable. Des noctambules (il était plus de 22h00) allaient et venaient plus ou moins gaiement. Quelque fois des milices motorisées sillonnaient le quartier :
Cric-crouc. Elikia avait bougé. La main posée sur sa ceinture, il venait d'interrompre le champ de silence. Il se relevait, restait accroupi, saisissait une petite malette, s'apprêtait à partir, puis se rasseyait. Comme par acquis de conscience, il tenait à vérifier quelque chose. Ramaad entendit le froissement significatif d'une feuille de papier — significatif car on l'entendait rarement en dehors de certaines circonstances officielles. Les feuilles-écrans étaient tellement plus pratiques. De loin, il parvint à discerner l'image d'une lettre manuscrite : déliés, contrastes hésitants, formes aléatoires…
Ça n'allait pas plus loin que l'image. De son poste d'observation il ne pouvait rien comprendre, hormis une brève mention introductive : ABCD. Il se rapprocha. Elikia flaira un sale coup. Il se retourna, ne vit personne, mais se sentit néanmoins en insécurité. Il remballa prestement ses affaires et prit le chemin du retour.
Ramaad le suivait avec une certaine distance. Il murmurait :
ABCD… ABCD…
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