Délivré du poids pénible de ces imbitables catégories, l'esprit d'Elikia s'abandonnait à des conjectures sans fin. Pour un peu, il en aurait manqué son métro. Quelque chose l'avait heureusement rappelé à l'ordre. Il avait senti un visage familier se poser sur lui. Il se retourna. Il vit Ramaad, debout, à une dizaine de mètres de là, juste sous l'enseigne lumineuse annonçant les horaires du train. Il n'avait pas l'air de le regarder. Les portes s'ouvraient et il était tout prêt de s'engouffrer dans le troisième wagon. Elikia pressa le pas et le rejoignit juste avant le départ du métro.
— Tiens, tiens… Tu ne prends pas le RER aujourd'hui ?
— Non. J'ai un date dans le centre-ville.
— Tu descend où ?
— Chemin vert. Et toi ?
— Deux stations plus loin. Aux Filles du Calvaire.
— Ah… Je ne pensais pas que tu habitais par là.
— Ben si, comme tu vois.
Le métro avançait lentement. Du moins comparativement au RER de Ramaad, qui traversait une bonne partie de l'Île-de-France en une demi-heure. En dehors de quelques aménagements mineurs, la ligne 8 n'avait pas fondamentalement évoluée depuis le début du siècle : pas de wagons de tête coulissants, pas de soutien à air comprimé… Voire dans certaines stations, pas de portes automatiques. Les transports publics du Bandundu devaient être certainement mieux équipés. Voilà qui, par-delà tout sentiment de nostalgie, motiverait le retour d'Elikia dans son heimat.
— Et sinon… Elle est jolie ?
— Qui ?
— Ton date.
— Assez. Elle n'est pas canon-canon mais… Comment dirait-on ? Agréable à regarder.
— Tu la connais depuis longtemps ?
— Une semaine. C'est une de mes ex qui m'a envoyé son contact.
— Et tu as confiance en elle. En ton ex, je veux dire…
— Oui, oui. Nous sommes resté ami. Tant que nous étions ensemble nous nous détestions. Puis, depuis qu'il n'y a plus d'enjeux de couple, on s'entend très bien. Il n'y a pas à dire, c'est épuisant l'amour.
Tout ce que racontait Ramaad était vrai. Hormis la datation. Les éléments narratifs les plus récents remontaient à plus d'un an. Il avait rapidement improvisé un gloubi-boulga de sa vie sentimental pour assoupir les suspicions d'Elikiaa, tandis que le métro serpentait l'interminable ligne 8.
…suite au prochain épisode
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