mercredi 24 août 2011

Par voie référendaire…

Allez hop. Je vais aller de ma petite voix sur LE sujet qui préoccupe la périphérie wikipédienne en ce moment : l'IFR alias l'Image Filter Referendum. Moyg prouve par a+b que le filtre d'image répond à un réel besoin. Inversement, n.survol.fr prouve par c+d qu'il s'agit d'une censure en puissance. Ces argumentations contradictoires résument l'essentiel du débat. Que pourrais-je dire de plus ? Pas grand chose, si ce n'est un petit point qui me titille. Il ne tient pas tant au sujet qu'à manière de faire.

Pourquoi un référendum ? Stricto sensu, il s'agit d'une des formes les moins élaborées de consultation. On ne collecte que des opinions à l'état brut, sans aucune perspective d'argumentation et de contre-argumentation. Tout le contraire de ce sur quoi Wikipédia s'est construite et que je résumais en ces termes dans un autre post :

A la différence de ce qu'on peut voir dans nos États dits développés, les wikipédiens ne sont pas invités périodiquement à répondre par oui ou par non ou à choisir tel gusse ou tel gusse mais à argumenter et ré-argumenter sans cesse. Contrairement à ce qu'on peut croire, les pages de discussions sont souvent bien plus cruciales que les pages de vote : là se décident les dispositions, là émergent les arguments aptes à altérer le cours d'un scrutin.

Or, loin du principe un peu dialectique d'une discussion continue, le référendum se contente de prendre note de l'existant. On constate des opinions a priori — point final.

Certes, mais a-t-on vraiment à faire à un référendum ? Le vocabulaire employé (votes, éligibilité, référendum, décompte…) le laisse entendre. Nous aurions affaire à un scrutin, comparable en cela aux Prises de décision de la Wikipédia francophone : la proposition qui reçoit la majorité des voix l'emporte. Et pourtant, les objectifs qui lui sont assignés renvoient à tout autre chose :

to gather more input in to the development and usage of an opt-in personal image hiding feature, which will allow readers to voluntarily screen particular types of images strictly for their own accounts / pour recevoir le plus grand nombre possible de suggestions sur le développement et l’usage d’un dispositif qui laisserait les lecteurs cacher certains types d’images

De quoi s'agit-il ? D'une discussion sur la modalité d'une décision déjà prise en amont. Or la procédure mise en place ne correspond pas du tout à cet objectif. Le vote est caché et automatisé ; les motivations ne sont qu'optionnelles. En outre, la proposition-cadre (l'introduction ou non d'un image filter) est elle-même mise en cause. Pourtant, son adoption paraît être un prérequis indispensable pour que la discussion fonctionne. Concrètement, on demande l'avis de la communauté sur des points subsidiaires (tels que Il est important que les gens puissent rapporter ou tagger des images qui leur semblent controversées, lorsqu’elles n’ont pas été catégorisées comme telles) alors que la question principale, dont tout découle, n'est pas vraiment tranchée.

Cette indétermination entre recueil d'opinions et vote effectif entraîne par ricochet toute une série de brouillages. Destinée à affiner un peu la mécanique du tout ou rien, l'échelle de choix allant de 0 (rejet) à 10 (acceptation) peut-être comprise d'au moins deux manières.

Plutôt que d'indiquer sa position exacte, le votant peut être tenté d'adopter une position extrémiste afin de renforcer l'efficacité du vote. Précisons un peu cette dérive. Si je suis plutôt pour le principe de l'introduction d'un procès d'Image Filter, je devrais en toute logique placer mon curseur sur 7. Seulement, je me rends compte que je ne fais pas que renseigner mon opinion : j'agis, j'influence la décision commune. L'information que je donne est aussi une action. Or, quitte à choisir, je préfère que la Fondation Wikimédia développe cette fonction d'abuse filter. Pour garantir la pérennité de mon choix, j'opte pour l'extrême, 10. La spéculation sur le résultat final altère le résultat final. Tout va se jouer dans l'équilibre entre le 0 et le 10. On en revient au tout ou rien.

A ceci près que certains jouent le jeu (peut-être par ce qu'ils se pensent plus consultants que votants). Plutôt que de spéculer ils indiquent scrupuleusement leur position. Un sondage (je dis ce que je pense) se superpose ainsi à un plébiscite (j'agis pour que ce que le résultat le plus proche que ce que je pense se réalise), sans que l'on puisse démêler l'un et l'autre. A moins d'être clair, le résultat court le risque d'être contesté.

Plutôt que de passer par le haut, il aurait été peut-être plus approprié de laisser chaque communauté juger de ce problème selon ses besoins propres. Du fait de sa large exposition à des publics de cultures différentes, la wikipédia anglophone me paraît plus sensible à cette question des images. Inversement, la wikipédia francophone est assez peu touchée par ce phénomène, qui n'a été que rarement évoquée dans les instances communautaires (bistro, BA…) avant le lancement de ce référendum.

Ce principe de subsidiarité a déjà été mis en œuvre, d'ailleurs pas plus tard que le mois dernier. En juillet, wikipedia.en a implanté ses boîtes d'évaluations, un outil qui a été accueilli plutôt froidement côté fr. Mais bon, s'il fait ses preuves, il ne sera jamais trop tard pour suivre le mouvement.

5 commentaires:

John a dit…

En juillet, wikipedia.en a implanté ...

Lgd a dit…

Autant l'analyse me semble très juste, autant sa conclusion me semble un peu faire "plof", si je puis me permettre ;-)

Vite fait, si je peux t'en proposer une autre, ou au moins une amorce : tant pour Image Filter que pour Article Feedback, mais on peut y joindre aussi WikiLove et cela avait déjà été également le cas de l'interface Vector : la décision est en effet à prendre en amont d'une communauté réduite qui est très loin de pouvoir refléter les attentes des usagers. Finalement, on découvre un peu à la dure que WP est un site web comme les autres, qui a les mêmes besoins de management ;-)

Xavier Combelle a dit…

@Lgd quels besoin de management? besoin que quelqu'un dise quoi faire à la communauté quand ce n'est pas nécessaire ?

Anonyme a dit…

Pas compris de quoi se mele l'encyclopédie. faudrait voir à dissocier les roles de fournisseur d'articles et de logiciels de controle type parental. les sites porno du web fournissent pas l'option cacher truc ou chose ce sont des logiciels externes qui le font selon le choix du client.

Alexander Doria a dit…

Assez d'accord avec la remarque de l'Anonyme. Je ne sais pas dans quelle mesure c'est techniquement possible, mais on aurait pu simplement prendre contact avec les éditeurs de logiciels parentaux et leur indiquer le contenu à censurer selon leurs besoins.

Sinon, les bureaucrates auraient peut-être eu une légitimité suffisante pour décider seul. Je ne sais pas trop quelle était leur position à l'égard de ce machin importé d'en (pas sûr qu'elle soit unilatéralement positive).